Une scène familière, un malaise grandissant
Que ce soit en conférence, en séminaire ou lors d’une simple réunion en visio, le rituel est toujours le même. L’intervenant partage son écran, fait apparaître une première slide… et lit son contenu à voix haute. Le public, au mieux poli, décroche rapidement. Et ce qui devrait être un moment d’échange, de transmission d’idées fortes, se transforme en un exercice mécanique, fade et souvent soporifique. Cette situation, je la vis régulièrement. Et chaque fois, je m’interroge : que se passe-t-il avec nos présentations ? Comment en est-on arrivé là ?
PowerPoint : outil de communication ou béquille visuelle ?
Créé pour structurer le discours, illustrer des messages et renforcer la mémorisation, PowerPoint est devenu, au fil du temps, une sorte de prompteur pour orateurs stressés. Là où il devait être un support, il s’est mué en pilier central, parfois même unique, de la présentation. Ce glissement a un coût : l’orateur s’efface derrière les slides. Il devient lecteur de ses propres contenus. Or, une bonne prise de parole repose sur la connexion avec le public, le langage non-verbal, le ton, l’intention. Quand tout cela disparaît au profit d’une lecture plate, la communication échoue.
Des slides qui fatiguent au lieu de stimuler
Regarder une présentation aujourd’hui, c’est souvent faire face à un mur de texte. Parfois trois langues côte à côte, des bullet points à rallonge, des tableaux illisibles. Le cerveau, au lieu de capter des idées clés et de faire des liens, est en surcharge. Une bonne slide devrait transmettre une idée, pas un paragraphe. Utiliser des images percutantes, des mots-clés bien choisis, c’est créer des ancres mémorielles. Mais ces principes de base sont largement oubliés.
Multilinguisme, surcharge, désengagement : les dérives courantes
Un autre symptôme préoccupant : la diapositive multilingue. L’intention est louable, notamment dans les contextes internationaux. Mais elle est souvent mal exécutée. Plutôt que de créer deux versions distinctes du support ou d’utiliser des traductions orales, on empile les langues sur la même slide. Résultat : on perd en lisibilité, en dynamisme, et surtout en efficacité. Le public, submergé par l’information, cesse de lire… ou écoute à moitié. À vouloir tout dire, on ne dit plus rien.
La responsabilité de l’orateur : entre paresse et pression
Pourquoi tant d’intervenants tombent-ils dans ces travers ? Par manque de formation, souvent. Peu d’orateurs sont formés à la communication visuelle ou aux techniques de présentation. Il y a aussi une certaine paresse intellectuelle : on préfère recycler d’anciennes slides, ou pire ! des flyers… que créer un contenu pensé pour l’auditoire. Enfin, il y a la pression : temps limité, manque de préparation, peur du vide. Dans ces conditions, PowerPoint devient une béquille rassurante. Mais cette sécurité est illusoire : elle affaiblit le lien avec le public.
Et si le public n’attendait plus rien ?
Mais la responsabilité n’est pas que du côté de celui qui parle. Celui qui écoute a, lui aussi, un rôle à jouer. Si ces présentations médiocres persistent, c’est peut-être parce que nous les tolérons. Un auditoire exigeant pousse l’orateur à se surpasser. À l’inverse, un public passif, rivé à son téléphone ou à ses mails, envoie un message clair : « peu importe ce que tu dis ». Cela crée un cercle vicieux où chacun baisse son niveau d’exigence, confortablement installé dans la médiocrité.
Vers une nouvelle exigence en prise de parole
Il est temps de sortir de ce schéma. De remettre en cause nos habitudes. Une bonne présentation ne nécessite pas 30 slides : elle nécessite un message clair, incarné, adapté à son public. Il faut réapprendre à parler sans lire, à illustrer sans saturer, à convaincre sans assommer. Cela passe par des visuels épurés, des mots choisis, une narration maîtrisée. Bref, par une véritable stratégie de communication.
Réconcilier fond et forme pour mieux communiquer
PowerPoint n’est pas le problème en soi. L’outil reste pertinent, mais son usage s’est appauvri. À force de vouloir tout dire, on oublie de faire passer l’essentiel. À force de vouloir rassurer l’orateur, on oublie de captiver l’auditoire. Repenser nos présentations, c’est refuser le nivellement par le bas. C’est affirmer que bien communiquer, c’est respecter son message autant que son public. C’est redonner à la parole sa force et à l’image son pouvoir.
Sébastien Albert, Dirigeant de Déclic Communication